RÈGLEMENT POUR LES QUAIS ET CALES DES GRANDE ET PETITE RIVES DE LA ROCHELLE.

 

1641                    (Fonds Amirauté de La Rochelle)

 

Combien que le havre soit reconnu le lieu de tout le public le plus important au commerce, il a pourtant été le moins soigné de tous ceux de cette ville et qu’il y ait longtemps qu’on remarque le besoin qu’il en a. Personne néanmoins n’a encore mis la main pour le remettre en bonne état. Cette envie est bien venue à plusieurs particuliers et est assez commune à tous ceux de cette ville mais jusqu’à présent il ne s’en est point trouvé qui voulussent en entreprendre le travail. Aussi est-il de toute importance que si ceux qui veulent faire les ouvertures n’y sont puissamment appuyés et surtout de l’autorité de Messieurs les Magistrats, il est à craindre que le succès ne regarde pas à leur espérance et qu’il ne leur reste de leur travail qu’un déplaisir de n’y avoir pas réussi avec celui de voir la main d’un des plus beaux ports de France. Un si bon mouvement doit donc non seulement être reçu, mais aussi favoriser dans ses excursions puisque le dessein en est autant louable comme les effets en seront avantageux.

Ainsi, Messieurs, nos Magistrats sont très humblement suppliés de jeter les yeux sur le sentiment des soussignés, marchands de cette ville, lesquels d’une commune pensée ont dressé au moins mal qu’il leur a été possible les propositions qui s’en suivent.

Pour donc entamer cette besogne par écrit premier que d’y mettre la main par effet et pour prendre tout le détail d’icelle, il est nécessaire de commencer par les lieux circonvoisins dudit havre, comme sont les quais, cales, chais, places et autres choses de quoi autrefois il s’est fait de beaux et amples règlements dont copies sont ci-attachées. Lesquelles, pour n’avoir pas été renouvelés au sujet des guerres, se sont corrompus de sorte qu’il ne s’en pratique plus aucun article dans sa première pureté.

CHAIS[1]

Il se voit que combien de liberté le commerce se faisait dans les chais qui sont le long de la rive que le passage y était libre à tout le monde et que les traînes et chevaux chargés y pouvaient passer avec défense de faire des cloisons, n’y opposer d’obstacles. Ensuite, il est entendu que les salaires revenaient aux maîtres desdits chais pour les marchandises qu’on y mettait comme il se pourra voir clairement dans lesdits règlements.

Cependant, les propriétaires desdits chais ont à présent clos et fermé le passage qui devrait y être libre, ce qui oblige les portefaix, traîneurs et crocheteurs d’aller faire un grand circuit pour porter les marchandises qui se chargent, ce qui causent d’extrêmes incommodités. D’ailleurs, lesdits propriétaires, pour la garde des marchandises qu’on met dans lesdits chais, au lieu de ne rien demander que ce qui est porté par lesdits règlements en exigent ce qu’ils peuvent et cela avec des rigueurs extrêmes. Pour à quoi remédier, il plaira à Messieurs faire renouveler lesdits anciens règlements et le faire publier afin que lesdits propriétaires fassent abattre lesdites cloisons et ne reçoivent, pour la garde desdites marchandises, que ce qui est porté dans lesdits règlements anciens. Étant aussi à remarquer que lesdits chais sont obligés à ses subjections à cause qu’ils ont été bâtis dans des places publiques et, desquelles, l’on n’a donné baillette qu’à ces conditions, comme il se pourra recueillir desdites baillettes.

QUAIS ET CALES DE LA GRAND RIVE[2]

Vient en second lieu les quais et cales le long du havre de cette ville, desquelles parties appartiennent à diverses personnes, et l’autre partie étant à Monseigneur le Duc de Saint-Simon, comme il sera dit ci-après. Lesquels quais et cales, ils sont obligés par les anciens règlements de tenir en bon état et que la descente y soit facile. Et pour le salaire et paiement desdits quais et cales, ceux qui chargeront ou déchargeront 1 sol par tonneau en fournissent de câble pour y aider à ladite décharge et n’en fournissent point à raison de 6 deniers par tonneau seulement, étant par exprès défendu d’exiger aucun calage du poisson frais ou salé, morue sèche ou verte, soit en argent, ou en poisson sur peine arbitraire.

Cependant, ceux à qui appartiennent lesdits quais, au lieu tenir en bon état, les laissent périr pour la plupart les embarrassent bien souvent de pierres, bois et autres choses, en sorte que la desserte ne ne s’y peut faire souffert même qu’on les remplissent et les couvrent de lest, lequel peu à peu tombé dans le havre au pied des quais de manière qu’il se voit que tout le long desdits quais il est beaucoup plus haut que le surplus du havre, ce qui vient d’une très grande négligence. Et quand au calage et droits desdits quais, ils en retirent et exigent ce qu’ils peuvent sans même fournir de câbles pour faciliter la descente des gros fardeaux. Pour à quoi remédier, il sera expressément enjoint aux propriétaires de faire revêtir et accommoder de pierres de taille les lieux qui sont rompus et en mauvais état, ôteront chacun devant soi les lest et incommodités qui y sont tombés la longueur de 12 pieds de large, 4 pieds de profondeur ou ancienne solle, et autant long que sera leurs dits quais et cales. Et quand au paiement desdits calages, ne le recevront point que suivant les anciens règlements.

Quais et cales de la grand rive qui étaient autrefois à sa ville et à présent à Monseigneur le Duc de Saint-Simon. Premièrement, le sieur Berchaud ayant dudit Seigneur de Saint-Simon prétend que le quai depuis la tour de la Chaîne jusqu’à la cale de la veuve Henri Jouachin lui appartiennent et son neveu, qui est fermier, en reçoit et contraint de lui en payer le calage ce qui n’est pas juste puisque ledit quai et surtout celui proche de ladite tour a été rebâti par Messieurs de la police, et des deniers octrois de cette ville. Ainsi, il en doit rendre l’argent qu’on a payé pour raccommoder ledit quai ou le laisser libre. Secondement, ledit Berchaud prétend que les places du depuis la poterie jusqu’à la tour du sieur Feniou appartiennent aussi audit Seigneur de Saint-Simon, ce qui n’est raisonnable vu que ladite place a toujours été libre à tout le monde sans être sujet à payer aucun droit non pas même à Messieurs de la ville avant la reddition. Ainsi, ledit Berchaud n’y peut rien prétendre et le droit laissé dans sa liberté ayant de tout temps été annexé au poids du Roi et place publique pour y décharger les marchandises qui vont audit poids du Roi et au grand Bureau. Comme aussi est-elle pour les fagots, sardines fraîches et places ordinaires des crocheteurs et traîneurs, lesquels traîneurs et crocheteurs sont de tout temps obligés à nettoyer ladite place deux fois la semaine.

QUAIS ET CALES DE LA PETITE RIVE[3]

Par les règlements, dont copie est ci-attachée en date du 15 avril 1542, qui sont sans doute les premiers qui furent faits après la construction desdits chais et cales et y a 102 années, il serait que lesdits quais et cales avaient été constitués par la ville des deniers comme d’icelle, et mis en très bon état, pour lesquels entretenir le fermier desdits quais recevoir 6 deniers par tonneau de marchandises qui se chargeaient et se déchargeaient des gabarres, ou dans icelles à 1 sol par tonneau de ce qui se chargeait au quai dans les navires mettant plus pour lesdits navires à cause qu’ils occupent plus de place et séjournaient au quai de plus pour chacune balle de marchandises pesant demie charge. Pour le calage, 1 denier par chacune balle et 1 denier pour chacune pipe vide, et enfin pour les grosses denrées comme foin, bois de chauffage, carreaux de pierre, planches et tuiles, l’on paiera pour la charge d’un vaisseau au-dessus de 20 tonneaux 10 sols pour la marchandise et 5 sols pour le navire et au-dessous de 20 tonneaux, 5 sols pour la marchandise et 5 sols pour le navire.

Cependant, il semble au sieur Berchaud, agent de Monseigneur le Duc de Saint-Simon, à qui le Roi a fait don desdites places, que comme la chose a changé de main elle doit aussi être gouvernée d’autre sorte car il serait que ses quais et cales ne sont plus que la figure de ce qu’elles ont autrefois été, et de ce qu’elles devraient être puisqu’elles sont entièrement ruinées, les carreaux arrachés et jetés dans le havre, qui cause de grands dommages aux navires qui en approchent les gabarres même n’en sont pas exemptés car il s’en est rempli fort souvent toutes chargées de marchandises de valeur, et cela cause par les grosses pierres qui sont proches des cales où elles doivent aborder et décharger.

La plupart aussi desdites cales sont bouchées et occupées par les pierres et carreaux des quais qui sont tombés dedans et embarrassées de bois ou autre chose grosses denrées appartenant à divers particuliers ce qui ferment le passage aux marchandises et au trafic, et tout cela par une négligence et tolérance qui ne s’était jamais pratiquées. Mais autant que ledit Berchaud est endormi au soin et entretien desdites cales et quais autant son neveu, qu’il en a fait fermier, est éveillé et agissant à recevoir les droits des cales et non sur le pied de l’ancien règlement, mais beaucoup plus haut puisque pour le calage d’un navire au-dessous de 20 tonneaux il appert qu’il ne lui est dû que 6 sols pour les marchandises qui en descendront. Cependant, parce que l’accès desdits quais et cales est difficile tant par la ruine d’iceux que par les hautes vases qui se sont accrues dans le havre, lesdits navires ne peuvent bien souvent approcher desdites cales. Ils sont contraints de se décharger par gabarres, desquelles il en faudra 12 à 15 parfois pour décharger un navire, de quoi ledit Berchaud le jeune contraint de payer 10 sols par chacune gabarre, ce qui fait que tel navire il retire 8 à 10 livres pour le calage lequel ne doit pourtant que 10 sols. Pour remédier à ce que dessus touchant lesdits quais et cales, il est premièrement très à propos de faire contraindre ledit sieur Berchaud, agent de Monseigneur le Duc de Saint-Simon, de faire rebâtir et remettre lesdits quais et cales en bon état faisant lever leurs pierres qui sont tombées dedans et autour desdits quais et cales ensemble l’obliger au nettoiement et réfection comme les autres propriétaires et ce conformément et en exécution du jugement obtenu contre lui par Messieurs de la police y a quelques années. Et quand à son neveu, fermier dudit calage, défense lui serait faite de prendre autres droits plus que ce qui est porté par lesdits anciens règlements et est à noter que les susdits droits de calage ont été seulement imposés pour l’entretien desdits quais comme il résulte du premier bail qui en a été fait y a plus de 100 ans.

AMARRAGE DE L’UNE ET DE L’AUTRE RIVE

Pour les deux règlement, l’un de l’an 1542 et l’autre de 1596, il est par exprès porté que toutes les barques et navires qui se mettront à quai ne paieront rien pour l’amarrage[4] de trois marées, mais s’ils y demeurent davantage ils paieront à raison de 5 sols par chacune marée au gros d’eau qui est de 15 jours en 15 jours. Cependant, ledit Berchaud, fermier desdits quais, que divers autres particuliers contraignent tant les étrangers que les marchands de cette ville, de payer beaucoup davantage et en retirent ce qu’ils peuvent au-dessus dudit règlement. Ce qu’il sera aussi nécessaire de réformer et faire ordonner qu’ils se contenteront desdits 5 sols par marée pour ledit amarrage et renvoyer aux anciens règlements.

PLACE DE LA PETITE RIVE

Premièrement, pour les places des maisons de la petite rive, les propriétaires d’icelles peuvent occuper devant leur logis que 12 pieds de pavé pour y placer leurs grosses denrées laissant le passage de deux charrettes de front, mais comme personne ne les en reprend ni y met l’ordre requis, il serait qu’à peine une charrette y peut-elle passer. En second lieu, toutes les autres places depuis lesdites maisons jusqu’au havre devraient être libres au public pour y placer les grosses denrées en payant pour chaque 14 à 15 pieds en carré à raison d’un écu par an et qu’il fut permis à tout le monde moyennant ledit paiement d’y tenir ce qu’on voudrait, et ce suivant les règlements donnés, en la Cour de la marine ès années 1618 et 1620 et 1628.

Enfin, le dessus des quais et l’embouchure des cales devraient être libres et nets de marchandises n’étant pas permis d’y en tenir passé trois jours, après lesquels passés, l’on envoyait lesdites marchandises qui s’y trouvaient à l’hôpital et les propriétaires d’icelles étaient condamnés à grosses amendes.

Cependant, contre ce qui se pratiquait anciennement et contre ce qu’il se voit par les jugements énoncés au second chef ci-dessus, ledit Berchaud le jeune, fermier desdites places, prétend faire payer 3 sols par chacune place de 12 pieds carré pour chacune pile de planches au lieu qu’elle contienne 14 ou 15 pieds avec l’échelle qu’il faut faire mais il a bien sorti autrement des fermes de cette ancienne liberté qui voulait que lesdites places furent communes et libres à tout le monde, en payant à la raison de 3 sols pour les 15 pieds, d’autant que de son pique mouvement et sous la seule autorité de son oncle, agent dudit Seigneur de Saint-Simon, il a fait partage desdites places et spécialement de celle est au plus bel endroit de toute la petite rive qui est au-devant de Monsieur Tallant, où se tient Monsieur Auboineau. Laquelle, il a distribué et partagé à divers particuliers de ladite petite rive, lesquels tous ont planté leurs bornes et piquets pour servir de marque et empêchement que qui se soit ni puisse mettre ses marchandises, ce qui est une incommodité très grande au commerce et telle qu’on ne la saurait exprimer.

Quand au-dessus des quais et embouchures des cales, au lieu que les marchandises ni devraient demeurer que trois jours l’on les y souffre tant qu’il plaît au propriétaire d’icelles, ledit Berchaud ne se souciant point d’incommoder le public moyennant qu’il fasse argent de tout. Pour à quoi y remédier, l’on mettra les anciens règlements dans leur première vigueur au regard des places les faisant libres à tout le monde en payant 3 livres par an ou à proportion du temps qu’on occupera de 15 pieds en carré. Le prétendu partage et distribution de ladite place devant Monsieur Auboineau sera déclaré nul et ce qui se trouvera sur les quais et embouchures des cales passé trois jours sera envoyé à l’hôpital comme anciennement.

GABARRES

[...]

CHARPENTIERS DE NAVIRES

[...]

PLACES DU GABUT, CANAL DES MATS ET GRAVE

[...]

Il sera aussi permis aux deux marchands qu’on nommera pour être les commissaires d’aller demander les bonnes volontés de tous les habitants de cette ville et peut-être qu’il se pourra ramasser quelques sommes d’argent qui soulagerait beaucoup.

Et pour bien gouverner et conduire toutes choses qu’il plaira à Messieurs réformer et ordonner, il sera nommé deux marchands de cette ville qui auront la conduite et direction de tout ce que dessus et en outre pour leur soulagement, il sera fait un maître du havre de quelque personne diligente et dont la capacité soit reconnue qui agira par les sentiments desdits deux marchands. Lesquels l’on changera de trois mois en trois mois, et en mettra en d’autre en leur place pour que chacun ait part au travail ainsi signé à l’original. J. Auboineau, D. Gilles, D. Savarin, Gaisneur, Émanuel Leborgne, Gaspard Cabesse, J. Benoist, Caron, Gabriel Bareau, P. D’Harriette, Fleuriot, Pierre Gauvin, J. Pépin et Roux qui sont 15 marchands notables.

 

Source : AD17, Fonds Amirauté de La Rochelle (B5629, pièce 2)

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Déchiffrement effectué par : Guy Perron, paléographe



[1] Lieu où sont emmagasinés les vins en fûts et les eaux-de-vie.

[2] Là où se déchargent les marchandises.

[3] Là où se déchargent les vaisseaux.

[4] Amarrage : maintenir, attacher avec des amarres, des cordes, des câbles, etc. Amarres : câbles, cordage pour maintenir en place un navire.